Rencontre avec Lise, stagiaire en Arctique !
Lise Artigue, diplômée de la filière Chimie-Génie des Procédés de CPE Lyon a réalisé son stage de fin d’études auprès de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (MIO) de Marseille, et est partie dans ce cadre en Arctique du 18 Juin au 22 Juillet 2016.
Rencontre avec Lise Artigue, en passe d’être diplômée de la filière Chimie-Génie des Procédés de CPE Lyon. Elle a réalisé son stage de fin d’études en Arctique du 18 Juin au 22 Juillet 2016 et revient avec nous sur cette expérience rare et inspirante.
MON PARCOURS D’ÉTUDIANTE À CPE LYON : DÉJÀ UNE APPÉTENCE POUR LA BIOGÉOCHIMIE MARINE !
J’ai intégré la filière Chimie-Génie des procédés de CPE Lyon en 2013 via les concours CCP, après deux années de classes prépa (PCSI/PC).
Durant mes deux premières années à CPE Lyon, j’ai choisi des modules de spécialisation se rapprochant de la chimie organique et des sciences du vivant. A la fin de mon année 4, j’ai choisi d’effectuer mon stage élève ingénieur de trois mois à l’Institut des Sciences de la Mer à Rimouski au Québec (ISMER). En effet, ayant toujours désiré travailler en Océanographie et plus précisément en biogéochimie marine, j’ai cherché à orienter toutes mes expériences dans ce domaine. A la suite de ce stage, j’ai effectué mon semestre 9 à l’université de Cardiff (Pays de Galles) pour améliorer mon anglais. Au cours de ce semestre j’ai choisi des modules en chimie environnementale, biochimie et chimie analytique qui sont des compétences nécessaires en Océanographie.
De retour de Cardiff, j’ai choisi de réaliser mon stage de fin d’étude à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (MIO) de Marseille, pour partir en Arctique et y étudier la dégradation biotique et abiotique des algues de glace.
Mon objectif était de trouver un stage de fin d’étude dans le secteur de l’océanographie me permettant de participer si possible à une mission scientifique. J’ai donc contacté presque tous les centres d’océanographie de France et envoyé des candidatures spontanées. L’océanographie étant principalement effectuée en milieu universitaire il m’a donc été assez facile de trouver les contacts des professeurs dont les sujets m’intéressaient sur internet. J’ai par la suite effectué plusieurs entretiens Skype et téléphoniques et choisi le sujet qui me plaisait le plus à savoir celui proposé par le MIO.
L’Arctique, une région particulièrement sensible au changement climatique, surveillée de près par les scientifiques
La hausse des températures en Arctique est bien plus élevée qu’ailleurs, ce qui en en fait un lieu très étudié par les scientifiques. Pouvoir faire partie, à mon niveau, des scientifiques cherchant à mieux comprendre cette région, était donc une véritable motivation pour moi.
Pendant mon stage, j’ai analysé à l’aide de traceurs lipidiques la dégradation d’algues de glace (phytoplanctonique) dans des échantillons de carottes de glace, d’eau et de sédiments prélevés par un membre de mon équipe du MIO au sein du camp de glace Green Edge 2015. En effet, depuis deux ans, au printemps, ce camp de glace s’installe en Arctique à Qikiqtarjuaq dans le Nunavut (grand nord Canadien) pour y étudier le bloom phytoplanctonique (efflorescence algal). C’est au sein de ce camp que j’ai eu l’opportunité d’aller moi-même récolter des échantillons au cours de la campagne 2016. Je suis restée un mois sur place pour participer à cette extraordinaire aventure.
Les points positifs sont nombreux ! Tout d’abord c’est un lieu de travail magnifique ! Se lever le matin pour aller faire des carottes de glaces sur la banquise après 50 minutes de motoneige dans des paysages à couper le souffle est extrêmement motivant. De plus, j’ai beaucoup appris sur mon sujet de stage en observant « en direct » ce qu’il se passait sur place. Le tout dans une super ambiance !
En effet, tous les scientifiques vivent en communauté sur le camp. Tout est partagé les chambres, les repas, les activités… Ainsi une forte entraide tant scientifique que personnelle s’installe et de forts liens d’amitiés se créent permettant de bien faire face à la fatigue et aux petites baisses de moral. Vivre avec des scientifiques travaillant dans de nombreux domaines différents (physiciens, biologistes, chimistes..) m’a également permis d’observer et de discuter de leur travail ce qui fut vraiment passionnant. Sur un camp de glace on apprend également à être pluridisciplinaire ! Il faut certes s’occuper de la science mais aussi participer à la vie du camp j’ai donc eu l’occasion de charger des palettes de bois, des motoneiges et des traineaux, de démonter des tentes, faire des caisses…
Un autre des points positifs à citer est indéniablement la découverte d’une population et d’une culture tout-à-fait différente de la nôtre. Qikiqtarjuaq est un village d’Inuits. On y parle l’Inuktitut, on y chasse entre autre le phoque, le narval et l’ours polaire et on y chante les chants de gorges traditionnels. J’ai ainsi pu découvrir un autre mode de vie, participer à la fête du Nunavut, manger du Narval et du Caribou … bref une immersion totale dans un autre monde !
Un isolement qui amène des contraintes
Bien évidemment il y a aussi des points négatifs. Être dans un village de 500 habitants, totalement coupé du monde, c’est apprendre à faire avec de l’eau, un accès internet et une liaison téléphonique limités. C’est aussi dépendre totalement de la météo et de la compagnie aérienne pour arriver/partir de Qikiqtarjuaq, ce qui peut s’avérer très difficile. Pour ma part, je suis restée bloquée deux jours à l’aller dans la capitale du Nunavut (Iqualuit) ; puis, pour mon retour, je n’ai pu quitter Qikiqtarjuaq qu’après 9 tentatives de vols avortées !
Il y a aussi un accès aux soins limité, il n’y a pas de médecins, seules quelques infirmières. Alors, quand il y a des blessés et que ce n’est pas trop grave, il faut faire avec quelques antidouleurs et continuer le camp. Il y a eu des tendinites au poignet, un déplacement d’omoplates et des doigts abimés. Personnellement, j’ai glissé sur la glace et atterrie dans l’eau en allant au camp, cinq jours après mon arrivée. Je me suis fait une extension des ligaments du genoux, mais avec un bon bandage, j’ai pu continuer mes prélèvements jusqu’au bout ! La science avant tout !
Enfin, il faut aussi se confronter à la pauvreté de la population locale. En effet, bien qu’il soit très intéressant de découvrir cette nouvelle culture, on est également face à une population qui a été obligée de se sédentariser depuis quelques décennies et qui a, de fait, perdu en partie son mode de vie traditionnel. Ils se retrouvent confrontés à des problèmes de la société moderne, comme le trafic de drogue, les problèmes d’alcoolisme et la dépression qui sont des fléaux très présents dans le village. Il est donc fréquent de croiser des habitants désœuvrés dans les rues ou des enfants jouant seuls dehors à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
En conclusion, une expérience extrêmement bénéfique
Cette expérience me semble totalement bénéfique car elle m’a énormément apporté tant professionnellement que personnellement. Je trouve que, sur le terrain, on apprend beaucoup plus vite et on comprend plus facilement les phénomènes que l’on étudie. La rencontre avec des chercheurs de différents pays travaillant tous sur des sujets passionnants a également été très enrichissante et stimulante. Participer à ce genre d’expérience est également le meilleur moyen pour développer l’autonomie, l’adaptabilité et le travail d’équipe. Le travail de terrain demande aussi une certaine rigueur car un long travail de préparation préalable est nécessaire. En effet, un oubli lors de l’envoi des caisses de matériels peut compromettre les expériences. Il faut aussi une certaine imagination pour essayer d’adapter des protocoles de laboratoires à la réalité du terrain ou sur place pour s’adapter aux imprévus. Chacun a également une certaine responsabilité envers les autres. En effet, il est rare de faire des prélèvements que pour soi, on compte donc beaucoup les uns sur les autres. Sur le plan personnel, cette aventure m’aura permis de découvrir un endroit d’une beauté spectaculaire et surtout de faire des rencontres et de tisser des liens avec des personnes exceptionnelles de tous horizons scientifiques ou non, Inuits ou pas.
Je conseille donc fortement aux autres étudiants s’ils en ont l’occasion ce type de destination ! Ce sont des occasions uniques d’apprendre énormément et de s’ouvrir au monde.