Stéphane, diplômé CPE Lyon et jeune docteur, publie dans Nanoscale
Entretien avec Stéphane Cadot, ingénieur chimiste depuis 2012, titulaire d'une thèse et actuellement ingénieur de recherche au CEA, qui a participé à la rédaction d’un article dans la célèbre revue Nanoscale
Pourrais-tu nous présenter ce travail qui a débouché sur l’article ?
Il s’agit d’un projet démarré en 2012 dans le cadre de la collaboration entre le CEA LETI et la plateforme nanochimie du labo de recherche C2P2, visant à mettre au point un procédé d’élaboration de monocouches de sulfure de molybdène (MoS2), autrement dit parvenir à recouvrir une surface avec une couche uniforme ne mesurant que 3 atomes d’épaisseur.
Ce matériau, qui d’un certain point de vue pourrait s’apparenter à un homologue inorganique du graphène, possède des propriétés électroniques uniques (semiconducteur 2D à gap direct) qui pourraient permettre de repousser les limites de la miniaturisation auxquelles les dispositifs électroniques basés sur le silicium sont actuellement confrontés.
L’article en lui-même : que présente-t-il ?
Il présente le procédé mis au point pendant ma thèse et qui a permis d’obtenir ces monocouches de MoS2 sur wafers de silicium grâce à un procédé séquentiel de dépôt en phase vapeur (appelé procédé ALD, de l’anglais Atomic Layer Deposition).
Concrètement, deux molécules volatiles et extrêmement réactives – disons A et B – sont transportées séquentiellement sous forme de gaz vers la surface du substrat à recouvrir et vont s’y greffer chimiquement pour former une couche solide ABABA… L’épaisseur de la couche peut être ajustée avec une précision atomique en faisant varier le nombre de fois où la surface est exposée à la séquence [molécule A / molécule B] ce qui rend cette méthode particulièrement adaptée au dépôt de couches extrêmement minces et uniformes.
L’originalité du travail présenté dans ce papier réside dans le fait que l’ALD n’avait jamais été utilisée auparavant pour la synthèse de matériaux 2D puisque ces derniers ont la particularité d’être en « lévitation électrostatique » au-dessus du substrat et donc de ne pas présenter de liaisons chimiques avec ce dernier.
Nous avons pu contourner cette problématique en déposant non pas directement MoS2, mais un thiolate amorphe de molybdène qui a la particularité de se décomposer au-delà de 300°C pour former des cristaux de MoS2. Dans notre cas, le dépôt de thiolate de molybdène obtenu par ALD était suffisamment fin et uniforme pour former, après traitement thermique, une monocouche de MoS2 recouvrant l’intégralité du substrat.
Quel est l’intérêt d’un tel article en terme de recherche, et que représente-t-il pour toi ?
Au-delà d’un procédé qui fonctionne, cet article illustre bien le fait que l’interdisciplinarité est source d’innovation puisqu’elle permet de sortir des schémas préétablis. Dans le cas présent, l’ALD est une méthode communément utilisée dans les procédés de fabrication des circuits intégrés mais pour un physicien de la matière condensée, l’utiliser pour la synthèse de matériaux 2D serait certainement apparu comme un non-sens.
Un chimiste se serait quant à lui sans doute tourné vers des procédés d’imprégnation ou de dépôts sol-gel qui n’auraient jamais permis l’obtention d’une monocouche uniforme.
Il est donc à mon sens important de décloisonner les différents domaines de la recherche scientifique, et de permettre, via des collaborations telle que celle existant entre le CEA et le laboratoire C2P2, l’interaction entre des chercheurs de divers horizons et formations.
Est-ce que faire la couverture est également une reconnaissance en tant que telle ? Comment ça se passe pour obtenir la couverture ?
Lorsqu’un article scientifique est accepté, l’éditeur peut proposer à l’auteur de faire une couverture s’il estime que la thématique de l’article s’y prête. Ce n’est donc pas une reconnaissance en tant que tel, et indique tout au plus que la thématique abordée suscite suffisamment l’intérêt de la communauté scientifique pour apparaître en première page d’un recueil d’articles. En revanche, obtenir une couverture donne davantage de visibilité à l’article et donc à ses auteurs.
Quels sont tes activités/thèmes de recherche actuels ?
Depuis début janvier, je travaille comme ingénieur de recherche au CEA LETI à Grenoble afin de poursuivre le développement du procédé de dépôt de MoS2 ainsi que son déploiement à l’échelle industrielle.
Consultez l’article de Stéphane
Janvier 2017