Rencontre avec Roland, en césure à l'Université de Kyushu au Japon

Roland Sireyjol, étudiant à CPE Lyon en filière Sciences du Numérique a réalisé son année de césure au sein du laboratoire de recherche de l’Université de Kyushu. Retour sur son expérience…

Je m’appelle Roland Sireyjol, j’ai 25 ans. Le métier d’ingénieur est, depuis toujours, la voie que je veux suivre. CPE Lyon proposait des spécialisations qui m’intéressaient et je me suis tourné vers la filière Sciences du numérique. Passionné par la culture japonaise, j’y ai effectué mon année de césure, j’y retourne pour mon Projet de Fin d’Etudes… voire plus si affinités !

J’ai effectué mon année de césure au sein du laboratoire de recherche de l’Université de Kyushu, au Japon.

Les sujets de recherches portaient sur différentes thématiques : le motion capture, le recalage, la réalité virtuelle, la réalité augmentée, la data/image processing, mais aussi le deep learning (une technologie dans le domaine de l’intelligence artificielle, grâce à laquelle un algorithme apprend à effectuer une tâche voulue, comme identifier qu’une image contient une voiture, ou un animal par exemple, bref des données qui lui sont dictées, de manière supervisée, en lui donnant des exemples réels ou non).

Les langages utilisés étaient Python, Matlab et C++.

Pour ma part, mon activité était plutôt centrée sur le deep learning et l’utilisation de réseaux de neurones dits convolutifs, c’est-à-dire s’appuyant sur des convolutions de données par un masque plus petit, dont les coefficients changent au fur et à mesure de l’apprentissage: le neurone « apprend » avec le temps à repérer des éléments utiles pour trouver une voiture, comme par exemple la présence de roues, en changeant ces coefficients, avec une part importante d’image processing pour “préparer” les images brutes.

Une fois qu’un sujet de recherche est choisi, la première étape consiste à se familiariser avec les outils à employer (réseaux de neurones, etc.) et les recherches précédemment effectuées sur le sujet, en consultant les précédentes publications scientifiques…
Ensuite vient le gros du travail, à savoir le développement de son propre algorithme pour répondre au sujet posé. Mon premier sujet était, par exemple, de créer un réseau de neurones capable de classifier des images 5D d’objets transparents. Les objets transparents sont très difficiles à classifier à partir de simples images, car ils ne cachent pas entièrement ce qui se trouve derrière lui, mais en déforment juste les traits. Par exemple, si vous changez ce qui se trouve derrière un verre, et l’apparence du verre lui-même, sur la photographie ce sera radicalement différente. Remplacez le verre par un pichet transparent, et les deux images derrière le verre et le pichet ne seront pas autant changées. En utilisant des caméras plémoniques (prenant des photos classiques de la largeur et la hauteur de la photo, puis les couleurs font 3 dimensions) depuis des endroits différents d’un mur (repérés par des coordonnées hauteur et droite/gauche sur le mur, d’où les deux dimensions de plus), on peut comparer comment le verre déforme en apparence ce qui se trouve derrière lui. Ainsi, si on parvient à comprendre comment le verre et le pichet déforment visuellement ce qui se trouve derrière eux, on peut facilement les différencier. En donnant ces images au réseau de neurones, on peut espérer qu’il apprenne à différencier le verre du pichet de cette manière.

A ce stade, les journées consistaient surtout au codage, avec une part importante de réflexion autonome. Personne ne contrôlait mes lignes de code, donc personne ne m’aidait à débuguer. Mes choix de recherche dépendaient avant tout de ma créativité : les discussions avec mon superviseur consistaient à expliquer ma démarche et ce dernier me donnait son aval ou des suggestions. Avoir autant d’autonomie est assez perturbant au début, mais on s’y habitue vite, et c’est très formateur !

Une fois ces résultats intéressants obtenus, j’ai eu la gratification d’écrire un article scientifique d’environ 6 pages (ou juste 2 pour les abstracts) pour une conférence et préparer la présentation orale associée. [ ndlr : cela est exceptionnel à ce niveau d’études]

En termes de durée, cela correspond à 1 mois de prise en main au début de l’année, presque deux mois de développement autonome, puis une à deux semaines de rédaction d’article et présentation, avant de recommencer sur un autre projet. Assez rapidement, un rythme de travail s’installe et j’ai pu publier dans deux conférences et un workshop durant mes six premiers mois de césure.

Ces opportunités de publication ont été bénéfiques pour moi, c’est une ligne intéressante à rajouter sur son CV ! Les premiers résultats Google associés à votre nom correspondent à ces conférences, et cela donne une opportunité de construire un réseau. L’autre aspect très sympathique, c’est qu’en participant à ces conférences, cela m’a donné l’occasion de partir quelques jours dans une autre ville (voire à l’étranger) et d’avoir un peu de temps pour visiter les environs.

La seconde partie de ma césure consistait à travailler sur une mission commandée à mon laboratoire par une entreprise extérieure. Cette mission présentait des contraintes en termes de confidentialité d’où une réduction des publications réalisées durant cette période.

Les horaires étaient plutôt souples, malgré un nombre de jour de congés officiels de très réduit : seulement dix par an ! L’essentiel était d’avoir une moyenne de sept à huit heures de travail par jour. Il m’est donc arrivé d’organiser mon temps en travaillant plus longtemps sur quelques jours (ou le weekend) pour gagner des jours de congés supplémentaires.

Mon choix d’année de césure s’est vraiment basé sur la localisation : je voulais partir au Japon. Le choix de travailler dans un laboratoire n’en était donc pas vraiment un, j’ai plutôt saisi une occasion… mais j’y vois de nombreux avantages à posteriori.

J’ai eu l’occasion de rencontrer des chercheurs japonais, français, et d’autres pays, ainsi que des employés de compagnies privées lors des présentations. On parle d’ailleurs de “nomunication” pour désigner les échanges informels entre chercheurs lors du “buffet” de la conférence !

Au-delà des étudiants et des professeurs du laboratoire, il existe aussi des associations d’étudiants (japonais et étrangers) heureux de faire la fête et de nous faire découvrir la culture locale !
Travailler librement sur un sujet de recherche passionnant nécessite une certaine autonomie et une grande rigueur, mais travailler à fond sur une mission particulière, et trouver soi-même les solutions pour y répondre, est très enrichissant. La flexibilité de la recherche -en tant qu’étudiant du moins- permet aussi d’acquérir une connaissance dans de nombreux domaines.

Au Japon, la hiérarchie est plus marquée qu’en France et le “respect des ainés” reste très important. Pourtant, j’ai pu travailler dans une ambiance assez chaleureuse et sympathiser avec mes supérieurs.

Professionnellement, cela m’a apporté une confiance en mes compétences et connaissances acquises à CPE Lyon, une bonne autonomie et une certaine créativité. Plus techniquement parlant, j’ai pu acquérir des bases solides en Python, une bonne connaissance des réseaux de neurones, ainsi qu’une certaine pratique de présentation et de rédaction de papiers scientifiques.

J’ai désormais une bonne base de japonais et la confirmation de vouloir vivre au japon, au moins quelques temps. La découverte d’une culture complètement différente permet une remise en question permanente de ce que je pouvais tenir pour acquis auparavant. J’ai la certitude d’avoir vécu une période extrêmement enrichissante et je pense sincèrement que partir travailler dans un environnement aussi éloigné de ses propres repères est une expérience incroyable !

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