[Portait alumni] Guilhem Pouillevet, diplômé CPE Lyon en chimie, promo 2004 : spécialiste des problématiques climat-énergie

Rencontre avec Guilhem, alumni CPE Lyon qui mène une carrière à 100 à l’heure à l’international autour de sujets environnementaux depuis sa sortie d’école. Au fil des pays traversés et des expériences amassées, il s’est finalement laissé tenter par l’entrepreneuriat et dirige aujourd’hui Muxia, l’entreprise qu’il a fondée. Il accompagne au quotidien des Etats et des grands groupes dans les pays en développement à monter des projets qui seront financés par la suite par le « Green Climate Fund », le Fonds d'investissement de l'ONU pour le Climat.

CPE Lyon comme point de départ

Je suis rentré à CPE Lyon en 2001 pour suivre la formation en chimie – génie des procédés, quelques jours avant le 11 septembre, une date que l’on ne peut pas vraiment oublier ! J’ai passé mes deux premières années à me construire une culture générale de la chimie et de l’industrie chimique en particulier. Les rendements de mes synthèses en chimie organique frôlant le ridicule, mon binôme -qui est devenu un grand chercheur aux Etats Unis- m’avait finalement assigné la tâche de laver la verrerie !

Néanmoins, j’aimais bien les matières théoriques et l’ouverture vers d’autres sujets comme l’économie. Avec mon équipe, nous avions remporté le Projet de Création d’Entreprises avec « Hexatri« , une entreprise de retraitement de déchets de chantier. Je suis parti en année 5 en échange à McGill au Canada, où j’ai pu découvrir une autre façon d’étudier, beaucoup moins de cours théoriques mais bien plus de travail personnel et d’esprit d’initiative.

Si je devais donner mon meilleur souvenir cpéen, j’en donnerai deux. La participation au 4L Trophy alors que je n’avais pas encore le permis et le « Cassoulet-Whisky-Ping Pong », un bar lyonnais sur les pentes de la Croix Rousse dans lequel on fêtait tout ce qu’il y avait à fêter. Et quand on a 20 ans, il y a toujours quelque chose à célébrer !

… puis un début de vie professionnelle à l’international

Pour mon premier emploi, je suis parti en V.I.E [Volontariat international en entreprise : permet, sous certaines conditions, d’exercer une mission -scientifique, technique, commercial, humanitaire…- dans une entreprise française à l’étranger] en Chine pour Arkema, afin de mettre en place l’un des tous premiers projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans une usine qui produisait des gaz de climatisation… l’un des pires gaz en termes de réchauffement climatique. Ce projet mêlait des questions très techniques mais également réglementaires et politiques (on a même quasiment créé un différend diplomatique entre la France et la Chine à l’époque !).

On a finalement réussi à obtenir l’autorisation du gouvernement chinois, puis de l’agence de l’ONU pour le climat, afin que notre projet puisse être rétribué pour chaque tonne de CO2 qu’il contribuerait à éliminer de l’atmosphère. A l’époque, le projet représentait, en termes d’impact, environ 1% de toutes les actions entreprises dans le monde pour lutter contre le réchauffement climatique… c’était colossal !

Le déclic du secteur environnemental…

J’ai ensuite décidé de continuer dans ce domaine car je trouvais extrêmement gratifiant d’avoir un métier qui me passionne et qui ait également un impact positif. J’ai donc poursuivi dans une joint-venture entre la Société Générale et Solvay, qui développait des projets de réduction des émissions de CO2 un peu partout dans le monde et échangeait les crédits carbones en salle des marchés. J’ai donc contribué à un projet de reforestation en République Démocratique du Congo, au captage du méthane d’une décharge au Cameroun, à la mise en place du premier grand parc éolien au Maroc et à d’autres projets industriels en France et à l’étranger. Ayant développé une expertise forte des mécanismes de finance carbone, j’ai été embauché par l’agence de l’ONU pour le climat et après deux ans au siège, je suis parti au Togo ouvrir le premier bureau de l’agence en Afrique qui couvrait toute l’Afrique de l’Ouest et les pays francophones d’Afrique de l’Est.

…pour finalement se laisser tenter par l’entrepreneuriat

Je suis ensuite rentré en France dans une entreprise de conseil pour développer les activités climat et accès à l’énergie en Afrique. Mais je passais mon temps dans l’avion et je perdais de vue ce qui m’intéressait vraiment. Je suis donc parti marcher 44 jours tout seul sur les chemins de Compostelle et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de monter mon entreprise pour essayer de réaliser des missions qui auraient du sens pour moi et pour les autres. Tout au bout du chemin, après Compostelle, je me suis arrêté de marcher face à l’océan, dans le village de… Muxia. La fin d’un chemin, le début d’une autre aventure !

Je me suis donc lancé, sans savoir où j’allais mener ma nouvelle entreprise Muxia, mais un ami entrepreneur m’a dit « si tu tergiverses trop, tu n’iras nulle part, donc avance, trompe toi, mais avance! ».

J’ai commencé avec toutes sortes de missions que je trouvais intéressantes, même parfois un peu loin de mon sujet climat, comme une étude de marché demandée par un ancien client à propos des pièces détachées automobiles en Côte d’Ivoire alors que je n’ai jamais eu de voiture… Cette première mission m’a d’ailleurs tout de suite mis dans le bain de l’entreprenariat car j’ai dû mettre en demeure ce client pour qu’il me paye ! Ce jour-là j’ai pu découvrir l’importance de la gestion de la trésorerie et des risques d’impayés.

J’ai la chance d’avoir pu constituer un bon réseau international pendant ces années et cela me permet de travailler sur des missions très variées mais toujours essentiellement autour du climat. J’accompagne des Etats et des grands groupes dans les pays en développement à monter des projets qui seront financés par la suite par le « Green Climate Fund », le Fonds d’investissement de l’ONU pour le Climat.

Actuellement, je conseille par exemple une banque pakistanaise sur la mise en place d’un mécanisme de garantie pour développer le secteur des toitures solaires pour les PMEs dans le pays. J’accompagne également un ministère népalais sur un programme d’efficacité énergétique au niveau des particuliers. Lors d’une mission dans un pays d’Afrique Centrale en 2019, un groupe agroalimentaire m’a approché pour l’aider à évaluer la possibilité de valoriser le carbone séquestré dans une concession forestière qu’il possédait, ainsi que pour trouver un mécanisme pour financer la protection de la biodiversité dans ses forêts. La mission va prendre un an ou deux et j’espère qu’elle aura également un fort impact.

Je suis donc souvent amené à me déplacer à l’étranger mais j’accompagne également des entreprises en France à agir sur leur empreinte carbone et à valoriser leur action en obtenant le label « Climate Neutral Now » de l’ONU. L’an dernier, j’avais fait venir le vice-président de l’ONU pour le climat pour le match de foot LOSC-PSG afin de remettre le label au LOSC pour son action pour le climat… un grand moment !

Quels conseils pour les cpéens?

En ces temps de COVID où cela doit être certainement compliqué pour les étudiants de se projeter, je leur dirais : « ne regarde pas à tes pieds mais loin devant toi! » et « fais toi confiance ». Je leur dirais aussi que ce sont probablement les matières « annexes » apprises à CPE Lyon qui m’ont le plus aidé à avancer et que c’est souvent le bon sens qui fera un bon ingénieur plus que ses capacités à faire du calcul.

J’ai eu la chance de trouver un sujet qui me passionnait et d’en faire mon métier, je leur souhaite de trouver également ce qui les passionne et qu’ils arrivent à trouver leur voie !