Pendant le confinement, la communauté CPE s'organise #5

Rencontre avec Justine Rechauchere, étudiante cpéenne en Chimie - génie des procédés et actuellement à Adélaïde, en Australie, au sein de la société Biosensis. Sa mission chez Biosensis, débutée en août dernier, consiste principalement en de la recherche appliquée en biologie. Le but est de caractériser des anticorps pour certaines méthodes d’analyses : Western blot, cytométrie de flux, immunoprécipitation … La portée finale est de réaliser et produire des kits permettant de détecter certaines protéines responsables de cancers ou maladies dégénératives dans par exemple le sang, l’urine, ou la salive.
Dans ce contexte particulier de covid-19, elle a fait le choix de rester en Australie et revient avec nous sur les modifications de sa vie quotidienne ces dernières semaines…

 » Le coronavirus est arrivé d’abord en Asie en janvier 2020, puis un peu plus tard en Europe et avec lui la fermeture des frontières. Nous commencions à en entendre parler en Australie mais la situation était beaucoup moins critique qu’en Europe, alors je ne m’inquiétais pas du tout. Ensuite, les français ont été mis en confinement mi-mars 2020 et de notre côté les frontières se fermaient aussi petit à petit avec des liaisons aériennes de moins en moins fréquentes entre l’Australie et la France.

Mes proches me contactaient pour savoir ce que je comptais faire, face à cette situation, et j’avoue que j’étais dans le doute : plus mon entourage me questionnait, plus je commençais à me poser la question. J’ai donc décidé de contacter l’école, l’ambassade de France en Australie, mon patron, mon maître de stage, ma famille, pour avoir les avis et conseils de chacun. Après avoir écouté et pris en compte les différents points de vue j’ai finalement pris la décision de rester en Australie pour les raisons suivantes :

  • La situation fin mars en France était bien moins bonne que celle en Australie. Pour l’instant, il m’est encore possible de travailler et de sortir de chez moi.
  • Les offres de billets d’avion pour rentrer en France se font de plus en plus rares. De plus, il était possible de se retrouver bloquée dans un aéroport de transit sur le trajet de retour en France et faire ce trajet m’exposait d’autant plus au virus.
  • Mon visa se terminant fin août 2020 et sachant qu’il est possible de le prolonger de 3 mois, cela laisse le temps à la situation de s’apaiser un peu et aux frontières de réouvrir.
  • Je suis bien couverte au niveau de mon assurance maladie, j’ai les fonds suffisants pour subvenir à mes besoins jusqu’à fin août, et la possibilité de rester dans mon logement plus longtemps que prévu.
  • Je suis à Adélaïde avec une autre étudiante de CPE Lyon, le fait d’être 2 dans cette situation inédite est très rassurant, cela aurait certainement été différent si j’avais été seule.

Début avril, le nombre de cas est moindre en Australie qu’en France. Les écoles sont toujours ouvertes depuis le début de cette crise, certaines entreprises aussi. Seules les entreprises de plus de 100 personnes et qui ne peuvent garantir 4m² par personne doivent fermer. Les bars, cafés, restaurants ont été contraints à ne proposer que du « take away », et les magasins non alimentaires commencent aussi à fermer. Les frontières entre états ont été fermées aux alentours du 20 mars.

Les australiens décident eux-mêmes de rester chez eux, ou bien de fermer leurs boutiques/entreprises s’ils considèrent cela nécessaire. Ils anticipent peut-être plus qu’en France, car ils ont pu constater l’évolution de la situation en Europe, les décisions se sont donc prises plus en amont.

Mot de fermeture d’un café

Le gouvernement recommande de n’effectuer seulement les déplacements indispensables : aller au travail, les rendez-vous médicaux, les courses alimentaires, les sorties pour faire du sport. Les réunions de plus de 2 personnes en extérieur sont interdites, il faut également veiller à respecter 1.5 m de distance avec les autres personnes.

Le virus est désormais présent partout, des messages de prévention sont diffusés à la radio, dans les transports en commun, des affiches rappelant les consignes de sécurités sont installées un peu partout dans la ville (marchés, jardins botaniques, magasins…).

Il est compliqué chez Biosensis de faire du télétravail car les équipes font beaucoup de recherches et de production, impossibles à réaliser depuis son domicile. 

En ce qui concerne ma situation en entreprise, nous sommes en général moins d’une dizaine sur le lieu de travail, les restrictions sont donc largement respectées. Néanmoins, des mesures d’hygiène supplémentaires ont été prises : nettoyage et désinfection tous les jours des zones touchées par tous les employés (cuisine, portes, interrupteurs, toilettes, etc.), roulement mis en place sur la semaine pour réduire au maximum le nombre de personnes présentes en même temps, enfin port de masque obligatoire.

Je dois néanmoins être prudente car j’habite en colocation avec 5 autres personnes, également expatriées, qui travaillent toutes dans des endroits différents (étudiants, serveurs dans des bars, restaurants…), et je prends les transports en commun pour aller travailler.

Biosensis est une jeune entreprise pas encore tout à fait rentable, sa fermeture serait donc catastrophique pour les employés. Notre directeur, en déplacement au moment de l’arrivée du covid-19, a dû gérer cette crise à distance et a lui-même dû être mis en quarantaine dès son retour sur Adélaïde.

La nouvelle organisation par roulement a généré du retard, l’avancée des expériences est un peu ralentie puisque les échanges ne se font plus directement mais plutôt par téléphone ou par mail, les délais de livraison sont eux aussi un peu allongés.

Dans les magasins alimentaires, il y a souvent des pénuries : pâtes, viande, lait, œufs, conserves de légumes, papier toilette, savon. De plus, les magasins ont mis en place des restrictions sur certains produits, par exemple pas plus de 2 litres de lait par personne.

Tout le monde essaie de s’adapter pour s’organiser au mieux, je trouve le pays réactif face à cette situation inédite, il y a une réelle prise de conscience. La ville a mis en place le passage automatique des feux piétons au vert, afin d’éviter d’appuyer sur le bouton.  Les magasins ont aussi dédié des heures spéciales aux personnes fragiles (personnes âgées, personnes à risque) et aux personnels soignants pour qu’ils puissent venir faire leurs courses et être entourés de moins de monde.

La ville ne ferme pas tout, nous ne sommes pas en confinement total, elle compte sur le bon sens des habitants pour limiter les déplacements et les regroupements, ainsi les parcs peuvent rester ouverts, les personnes peuvent sortir de temps en temps et continuent d’aller au travail. »