Rencontre avec Thomas, en césure chez Henkel en Allemagne
Rencontre avec Thomas Deis, cpéen en Chimie- Génie des Procédés qui a réalisé son année de césure en deux parties. Il a passé les six premiers mois en Suisse auprès de Novartis, au sein d’une équipe de chimie médicinale avec laquelle il a oeuvré sur les premières étapes de la recherche d’un médicament. Les six mois suivants, il les a passé en Allemagne chez Henkel pour travailler sur le développement d’adhésifs polyuréthanes.
Je m’appelle Thomas et je suis étudiant en année 5 à CPE Lyon au sein de la filière Chimie-Génie des procédés. L’envie de m’orienter vers la chimie s’est manifestée assez tôt. C’est la raison pour laquelle j’ai intégré les classes préparatoires associées CPE Lyon – Institution des Chartreux. Après y avoir brillamment raté ma première année, j’ai rejoint l’université avant de finalement rallier le cursus ingénieur de CPE Lyon via une admission à Bac+2 sur dossier et entretien.
Le choix de CPE Lyon s’explique en premier lieu par sa formation, couvrant les grands domaines de la chimie puis se spécialisant graduellement en fonction des affinités de chacun. De surcroît, CPE Lyon se distingue en offrant l’opportunité de vivre une aventure à l’internationale par le biais de l’année de césure. Outre les aspects culturel et découverte, cette coupure professionnelle est l’occasion de méditer sur son orientation, lui insuffler une nouvelle direction ou au contraire la conforter, tout en acquérant du vécu.
Désirant initialement réaliser une mission d’un an axée sur la synthèse organique dans un pays anglophone, j’ai finalement effectué deux périodes de 6 mois dans deux pays germanophones au sein de deux grandes entreprises : chez Novartis en Suisse (Bâle), puis chez Henkel en Allemagne (Düsseldorf) !
Chez Novartis, j’ai pu travailler au sein d’une équipe de chimie médicinale sur les premières étapes de la recherche d’un médicament. Concrètement, la mission consistait à produire des composés actifs vis-à-vis d’une cible thérapeutique via des synthèses multi-étapes, en purifiant et caractérisant chaque intermédiaire au moyen de techniques analytiques afin de s’assurer de former le bon produit et, le cas échéant, d’en assurer la pureté. Ces produits sont soumis à des tests spécifiques, dont les résultats engendrent de nouvelles séries de composés biologiquement optimisés, qui sont à leur tour synthétisés jusqu’à l’identification de molécules candidats médicaments qui pourront être engagées plus tard en essais cliniques.
Si l’idée est toujours de synthétiser, purifier puis caractériser, il n’y a pas à proprement parler de journées types ; dans la mesure où chaque composé et chaque réaction a ses spécificités et/ou imprévus, les moyens pour y parvenir diffèrent par leur mise en œuvre. Le quotidien ne s’en retrouve que plus stimulant.
La nature du travail réalisé chez Henkel était bien différente puisque j’étais rattaché à une équipe du département des adhésifs structuraux, dont le travail de recherche s’articule autour du développement d’adhésifs polyuréthanes. Le projet consistait à mettre au point un adhésif bi-composant destiné à l’assemblage de pièces automobiles à la demande d’un constructeur. Concrètement, les missions réalisées étaient très variés : synthèse de prépolymères, formulation des composants des adhésifs, évaluation et ajustement de différents paramètres tels que la réactivité (i.e. la quantité de catalyseur), la viscosité et l’adhérence, et enfin optimisation des propriétés mécaniques des adhésifs. De ce fait, le travail mené est un entrelacement de la formulation, de la réactivité chimique, et des sciences des matériaux. Devant remplir des objectifs précis, c’est à moi qu’il revenait de gérer mon planning en rendant compte des avancées lors de réunions hebdomadaires.
Partir travailler une année à l’étranger, c’est sortir de sa zone de confort : apprécier son sujet de mission est essentiel, mais vivre dans un environnement qui nous plaît me semble l’être tout autant.
Cependant, il ne faut pas que l’un ou l’autre point ne devienne un blocage sous peine de ne postuler nulle part. Il faut parfois accepter de faire des concessions sur ses souhaits initiaux.
Au départ très réticent à l’idée de partir dans un pays germanophone, en raison de la langue que je ne connais pas du tout, j’ai du accepter d’élargir mes horizons pour dénicher le sujet de césure que je voulais. Cela n’a pas toujours été simple à vivre, et je n’ai trouvé ma première offre en Suisse qu’en juin grâce à l’aide de CPE Lyon. Même si Bâle est frontalière à la France, j’ai fait le choix d’habiter dans la ville car je souhaitais vraiment « vivre à l’étranger ».
Pour ma deuxième demi-césure, il m’a cette fois fallu faire une concession sur le sujet car les offres portées sur la synthèse organique ne sont pas légions. Là encore, je n’ai obtenu mon stage en Allemagne que fin janvier, et l’ai commencé deux semaines plus tard.
Chez Novartis, tous les employés parlent anglais, en raison de la grande mixité culturelle présente sur le campus, dont énormément de frontaliers français et allemands. De même, chez Henkel, bien qu’intégré dans une équipe 100% allemande, presque tout le monde parle l’anglais. Pour un court séjour, la barrière de la langue n’est globalement pas un obstacle majeur, même si la vie quotidienne peut parfois être un peu plus difficile, en particulier avec les démarches administratives pour lesquelles il n’y a pas de traduction.
Comme tout « expatrié », on est tenté de relever les spécificités du pays d’accueil.
Sur le lieu de travail pour commencer, où les horaires sont très flexibles aussi bien en Suisse qu’en Allemagne. Chacun est libre de gérer son temps comme il le souhaite, tant qu’il respecte son quota d’heures de travail annuelles.
En Suisse, si le coût de la vie est élevé, les salaires sont hauts. Autrement, de nombreuses habitudes semblent inimaginables chez nous : arrêt systématique des voitures aux passages piéton, pas de compostage dans les transports,…, quand d’autres sont mal comprises : paiements par bulletin de versements, dénonciation anonyme…
Pour le reste, aussi bien en Suisse qu’en Allemagne, les différences par rapport à la France résident dans de petits détails : les centres villes sont beaucoup plus actifs et accessibles y compris dans les villes plus petites (il existe très peu de grands supermarchés et centres commerciaux en dehors des villes), les repas se prennent tôt (en Suisse certains restaurants ferment avant 21h), etc.
Si cette année de césure ne s’est pas déroulée comme je l’avais envisagé, elle n’en fut pas moins enrichissante.
Devoir m’installer dans deux pays m’a permis de faire disparaitre toute appréhension de partir vivre à l’étranger. De surcroît, ce fut l’occasion de découvrir deux facettes de la chimie (synthèse organique et polymères), en acquérant des compétences professionnelles et de nombreuses techniques de laboratoire que l’on n’apprend pas en école. Enfin, ce fut l’occasion d’appréhender l’industrie pharmaceutique, où les projets s’échelonnent sur le long terme avec une phase de recherche importante en lien étroit avec la biologie, et l’industrie des adhésifs où les projets sont bien plus courts et les aspects économiques et marketing à considérer lors du développement d’un produit. Ma césure m’ayant donné l’envie d’approfondir mes connaissances en chimie biologique, plutôt que de rentrer à Lyon pour l’année 5 j’ai choisi de repartir en Suisse, cette fois ci en échange.
Qu’elle s’harmonise à un rêve ou projet ou non, qu’elle se déroule bien ou moins bien, avec le recul, il y aura toujours à tirer profit de l’année de césure : on n’y part avec rien ou pas grand-chose et l’on n’en revient avec du vécu et des certitudes !